Bonjour à toutes et à tous 👋
Bienvenue dans ce cours de philosophie pratique #26. Que vous me lisiez depuis le début ou que vous veniez de me découvrir, merci de votre confiance 🙏
Avec des vidéos aux millions de vues, le nombre d’entrepreneurs en ligne qui s’en réclame parce qu’ils ont lu 2 citations inspirantes sur Instagram, on peut dire que le stoïcisme a le vent en poupe.
Bien que je sois heureux que de plus en plus de personnes s’intéressent à la philosophie, je le suis moins quand on dit des bêtises sur les philosophes.
Parce que ça cite à tout bout de champ Épictète, Sénèque et Marc Aurèle.
Mais Musonius Rufus ? Zénon de Kittion ? Et Chrysipe ?
Et que dire de leur cosmologie ? Leur rapport au monde ? À l’âme ?
Sans mettre mon costume de justicier de la philo, je vous propose aujourd’hui d’aller plus loin qu’une citation bien faite sur Instagram.
Je vous propose un cours de philo pratique sur le stoïcisme. Ainsi, vous pourrez vous en réclamer si vous le souhaitez, mais vous saurez pourquoi.
Au programme :
Brève histoire du stoïcisme
Les principes du stoïcisme
Les exercices spirituels du stoïcisme
Les limites du stoïcisme
Peut-on encore être stoïcien ?
Si ce n’est pas encore fait, vous pouvez :
Bénéficier d’un accompagnement de 6 mois pour trouver votre voie grâce à la philosophie
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Brève histoire du stoïcisme
Fondé à la fin du IV siècle avant J-C par Zénon de Kittion (un marchand transformé en philosophe après un naufrage l'ayant mené à Athènes) le stoïcisme insiste sur la logique, l'éthique et la physique, enraciné dans les idées de gestion de soi et de résilience face à l'adversité.
Zénon déambulait sous les fresques de la stoa Poikilè (le portique d'Athène) ce qui donna son nom à l'école stoïque : la philosophie du portique, la stoa.
Sa philosophie, naissant des cendres de ses biens perdus, nous enseigne une leçon précieuse : notre vrai pouvoir réside dans notre capacité à contrôler nos perceptions et réactions, et non dans nos possessions éphémères.
Après Zénon, c'est au tour de Cléanthe de reprendre le flambeau.
Ici, le stoïcisme embrasse une dimension plus cosmique, où Zeus n'est pas juste un dieu parmi d'autres, mais le principe organisateur de l'univers, un destin auquel même les dieux se soumettent.
C’est une vision qui élève notre perspective, nous plaçant au sein d’un cosmos ordonné par la divine providence, où notre soumission aux lois universelles est synonyme de liberté.
Puis vient Chrysippe, qui étoffe le cadre logique et éthique du stoïcisme. Il nous rappelle que notre raison est un fragment de la raison divine universelle.
Chaque pensée que nous choisissons, chaque décision que nous prenons, résonne avec les vibrations de l'univers entier.
Au fil du temps, le stoïcisme arrive à jusqu'à Rome, où le stoïcisme s'intègre dans le tissu de l'empire.
C'est ce stoïcisme le plus connu avec des personnages comme le richissime Sénèque. Il était conseiller de l’empereur Néron, un empereur peu fréquentable qui a assassiné sa mère et son ex femme...
À travers ses écrits, notamment ses Lettres à Lucilius, Sénèque dépeint la vie non comme une série d'événements fortuits, mais comme une toile sur laquelle nous pouvons peindre avec les couleurs de notre caractère et de notre vertu.
Autre acteur du stoïcisme impérial, Épictète, un esclave libéré.
Il devient un enseignant influent, partageant sa vision stoïcienne où la liberté véritable n'est pas une question de chaînes physiques, mais de l'esclavage des désirs et des peurs.
Il invite à trouver la force nécessaire pour embrasser l'idée que rien d'extérieur ne peut entacher notre paix intérieure si nous ne le permettons pas.
Et enfin, Marc Aurèle, l'empereur-philosophe, dont les Pensées pour moi-même résonnent comme un dialogue intime avec sa propre âme.
Au milieu des turbulences politiques et des guerres, il trouve refuge dans sa citadelle intérieure, nous rappelant que le pouvoir ultime réside dans notre capacité à rester imperturbable face aux caprices de la fortune.
De Zénon à Marc Aurèle, le stoïcisme nous offre une perspective où chaque épreuve est une occasion de cultiver notre force intérieure et chaque instant est une invitation à vivre avec intégrité, tout alignant son existence sur l'ordre prééminent du Cosmos.
Maintenant que vous pouvez remettre en contexte le stoïcisme, voyons quels sont les grands principes de cette école.
Les grands principes du stoïcisme
Il y a 3 grands arcanes dans le stoïcisme : la physique, l’éthique et la logique.
Ces composantes, bien qu'indépendantes, s'entrelacent pour former un tissu de pensée où comprendre le cosmos est essentiel pour cultiver la vertu personnelle.
Commençons par la physique.
Dans le contexte stoïcien, elle dépasse largement notre conception moderne. Pour les stoïciens, la physique englobe la nature de l'univers tout entier, un cosmos animé par un logos divin, une raison ordonnatrice.
Ce logos imprègne tout. Il structure la matière et l’âme, qui ne sont que deux manifestations d'une substance primordiale : le pneuma, ou souffle vital (coffre la force dans Star Wars).
Cette vision panthéiste de la nature, où tout est interconnecté par la raison divine, établit le fondement sur lequel repose toute l'éthique stoïcienne.
L'éthique stoïcienne se forge sur cette physique et nous guide sur la manière de vivre en harmonie avec le logos.
La vertu quant à elle est la seule source de bonheur véritable. Elle se réalise en vivant conformément à la nature universelle.
Autrement dit comprendre les lois de la nature permet de comprendre comment nous devons vivre.
Le sage stoïcien aspire donc à une vie où ses actions, guidées par la vertu, sont en parfaite résonance avec l'ordre cosmique.
Les quatre vertus cardinales, sagesse, justice, courage, et tempérance, sont les réponses concrètes à ce que l'univers attend de nous.
La logique stoïcienne, quant à elle, n'est pas seulement une affaire de raisonnement mais un outil essentiel à la purification de l'esprit.
Elle englobe la rhétorique, la dialectique, et ce que nous pourrions appeler l'épistémologie.
La logique est vue comme la forteresse gardant l'âme contre les erreurs et les jugements hâtifs, permettant au stoïcien de discerner correctement la réalité, essentielle à la pratique de l'éthique et à l'acceptation de la physique.
Ces trois branches se manifestent différemment à travers les trois périodes du stoïcisme : ancien, moyen, et tardif.
Dans le stoïcisme ancien, avec Zénon et Cléanthe, l'accent est mis sur la cohérence de la vie avec la nature.
Dans le stoïcisme moyen, Chrysippe, avec une rigueur presque scientifique, développe une structure plus formelle pour expliquer comment la raison et l’émotion s'interconnectent dans la psyché humaine.
Le stoïcisme tardif (ou impérial), notamment avec Sénèque, Épictète et Marc Aurèle, se focalise plus sur les applications pratiques de ces principes dans les défis du quotidien.
Ici, la physique devient un rappel de notre petite place dans un univers vaste, la logique un outil pour maintenir la clarté mentale face aux adversités, et l'éthique une boussole morale indiquant comment naviguer ces réalités avec intégrité.
En comprenant ce cadre, nous voyons comment les stoïciens bâtissent une éthique personnelle : en percevant clairement la structure du monde, nous alignons nos actions sur des principes universels.
C’est une danse entre comprendre le monde et se comprendre soi-même. Une symphonie où chaque note jouée conforme à la partition cosmique enrichit la mélodie de l'existence.
En bref, le stoïcisme, comme toute philosophie Antique est avant tout une manière de vivre. Je vous propose 5 exercices issus de la philosophie stoïcienne.
Les exercices spirituels
Le stoïcisme est une philosophie qui se vit.
Loin des théories des idées chez les Grècs (avec Platon en tête de gondole). C’est pourquoi on retrouve des exercices spirituels conçus pour affiner la sagesse et renforcer la maîtrise de soi (essentiellement chez le stoïcisme impérial).
Je vous en propose 5.
1. La méditation matinale.
Dans Pensées pour moi-même Marc Aurèle réfléchit souvent au début de la journée sur ce qui l'attend, affirmant : "Le matin, dis-toi que tu rencontreras des ingrats, des arrogants, des trompeurs..."
Cette préparation mentale n'est pas une simple planification des tâches, mais une anticipation des obstacles possibles. Il s’agit de se préparer à accueillir chaque événement avec calme et d’évaluer comment chaque action peut être alignée avec les vertus stoïciennes.
Cette pratique matinale cadre notre esprit pour une journée où la vertu peut prévaloir sur l'impulsivité.
2. L'examen de conscience quotidien.
On retrouve cet exercice chez Sénèque dans ses "Lettres à Lucilius". Il écrit "Chaque jour, je me juge ; chaque nuit, je passe en revue ma journée."
Le stoïcien examine ses actions de la journée, pas seulement pour évaluer les erreurs, mais pour comprendre comment il pourrait améliorer sa réponse aux circonstances similaires à l'avenir.
Cet exercice n'est pas une auto-critique punitive, mais une réflexion constructive visant à renforcer la cohérence entre nos actions et nos principes moraux.
3. La visualisation des adversités (praemeditatio malorum)
On retrouve cette invitation chez Épictète. Dans son Manuel il écrit : "Envisage à l'avance chaque action plus difficile afin que lorsque la difficulté survient, tu ne sois pas surpris."
Cette technique puissante consiste à envisager les pires scénarios possibles. Loin d'être un pessimisme paralysant, cet exercice vise à réduire l'anxiété face à l'incertitude et à préparer mentalement le pratiquant à agir avec intégrité et résilience, quelles que soient les épreuves.
En anticipant la souffrance ou l'échec, le stoïcien s’arme contre la perturbation émotionnelle future, renforçant ainsi son indépendance face aux caprices du destin.
4. La vue d'en haut.
C’est encore chez Marc Aurèle que cette invitation se retrouve, mais parfois exacerbée, lorsqu’il écrit : “Ce met recherché, ce n'est que du cadavre de poisson ou d'oiseaux ou de porc, ce falerne, du jus de raisin, cette pourpre, du poil de brebis mouillé, du sang d'un coquillage, l'union des sexes, un frottement du ventre avec éjaculation dans un spasme, d'un liquide gluant.”
En adoptant cette vue d'en haut, les stoïciens cherchent à obtenir une perspective plus globale et objective, diminuant ainsi l'impact émotionnel des tracas quotidiens et favorisant une réponse plus mesurée et moins égoïste aux événements de la vie.
5. Indifférence volontaire.
C’est LA grande leçon stoïcienne. On la retrouve dans le Manuel d’Épictète :
“Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les jugements qu'ils portent sur ces choses”.
S'entraîner à distinguer entre ce qui est en notre pouvoir et ce qui ne l'est pas est essentiel pour vivre avec sérénité.
Les stoïciens s'exercent à accueillir avec indifférence ce qui échappe à leur contrôle, concentrant leur énergie et leur attention uniquement sur leurs propres actions et attitudes.
Chacun de ces exercices n'est pas seulement une pratique de détachement ou de discipline ; c'est une voie vers une vie plus intentionnelle et équilibrée, où la raison guide les émotions et où chaque jour est vécu en accord avec des principes élevés.
C’est extrêmement pratique et brillant pour l’époque, mais est-ce réellement viable ?
Les limites du stoïcisme
Le stoïcisme, en particulier dans sa forme impériale avec des figures comme Sénèque, Épictète et Marc Aurèle, offre une vision de la vie qui valorise la résilience et la maîtrise de soi face à l'adversité.
Cependant, plusieurs critiques peuvent émerger quant à son rapport avec la douleur, notamment par cette maxime : sustine et abstine, supporte et abstiens-toi.
En effet, le dolorisme et sa conception de la mort semblent osciller dangereusement vers une fascination pour la souffrance et une certaine révérence pour la pulsion de mort (thanatos) plutôt que pour la pulsion de vie (eros).
Le stoïcisme enseigne que la douleur, physique ou psychologique, doit être accueillie avec indifférence. Cette indifférence n'est pas un manque de sensibilité, mais plutôt une manière de ne pas laisser les circonstances extérieures perturber notre tranquillité intérieure.
C’est pourquoi Hegel voit le sage stoïcien comme quelqu'un qui est en constante lutte avec ses passions, non pas en paix avec elles. Par conséquent, cela ne constitue pas une véritable liberté, car elle ne tient pas compte de la réalité concrète de l'individu dans le monde.
Le stoïcisme, en encourageant l'individu à se détacher de ses passions et émotions pour atteindre une tranquillité intérieure, néglige l'importance des relations concrètes et des engagements dans la vie sociale et politique.
Hegel considère que cette approche mène à une sorte d'autosuffisance isolée qui est en désaccord avec la nature fondamentalement sociale et interdépendante de l'humanité.
En outre, l'attitude stoïcienne envers la mort est marquée par une acceptation stoïque qui frôle parfois l'apathie. La mort est vue comme naturelle, inévitable, et ne devant pas être crainte.
Les stoïciens, surtout à l'époque impériale, utilisaient la contemplation de la mort (memento mori) non seulement comme un rappel de la fugacité de la vie, mais aussi comme une méthode pour valoriser le présent.
Cependant, cette focalisation constante sur la mort peut sembler être une inclination vers thanatos, une acceptation de l'effacement au lieu d'une célébration de la vie et de ses joies, caractéristiques d'eros. C’est une vision de la vie qui valorise la diminution de soi plutôt que l'épanouissement.
De manière plus contemporaine, Martha Nussbaum propose une critique de la gestion des émotions par les stoïciens.
Dans son livre Upheavals of Thought: The Intelligence of Emotions (malheureusement non traduit) elle explique que les stoïciens considèrent les émotions principalement comme des perturbations irrationnelles qui doivent être contrôlées, ce qui peut conduire à une compréhension appauvrie de l'expérience humaine et de l'éthique.
Nussbaum plaide pour une reconnaissance plus complète des émotions comme des composantes essentielles et intelligibles de notre vie cognitive et morale.
C'est la raison pour laquelle, il est primordial de prendre en compte le réel (la réalité de la nature humain, biologique et psychologique) pour adapter le stoïcisme à ce que notre condition est capable de faire.
Autrement dit :
Conclusion : peut-on encore être stoïcien aujourd’hui ?
Entre la guerre, l’inflation, la crise écologique et j’en passe, proposer une vie exempte de troubles de l’âme est très attrayant. C’est l’invitation du stoïcisme : construire sa citadelle intérieure.
Parce que le stoïcisme, essentiellement impérial, est une philosophie à vivre et à pratiquer, partout et n’importe quand.
C’est la raison pour laquelle on le retrouve autant sur les réseaux et dans les livres de développement personnel.
C’est une philosophie de l’absence de liberté (nous avions évoqué le fatum) qui pourtant rend libre.
Pas de faire ce que nous voulons, mais d’être tranquille face à ce qui nous arrive.
Cette mission qu’il s’est donné en fait une philosophie héroïque, mais trop exigeante pour les humains que nous sommes. Il est dans la nature humaine d’osciller entre l’anticipation future et la nostalgie du passé, notre cerveau est câblé pour fonctionner ainsi.
De plus, l’évolution technologique est-elle que notre attention à dérober à tout bout de champ, que l’on en sait davantage sur ce qu’il se passe à des milliers de kilomètres plutôt que chez soi et l’information fuse à une vitesse sans précédent.
Il était sans doute beaucoup plus simple de pratiquer le stoïcisme dans la Rome Antique.
N’empêche qu’il est toujours réconfortant de savoir que, quoi qu’il arrive, nous avons le pouvoir d’agir sur nos représentations.
Pour ma part, le stoïcisme (et la philosophie en général) m’a sauvé de bien des maux. Sans lui, je ne sais ce que je serais devenu.
Je vous invite à prendre ce qu’il y a à prendre, rester ferme dans votre pratique, mais indulgent.
Sans quoi, vous ne ferez qu’engendrer plus de frustration qu’en amoindrir les effets et vous nourrirez la haine de soi sûrement présente en vous.
Après tout, comme le dit Naval Ravikant :
Don't take yourself so seriously, you're just a monkey with a plan (Ne vous prenez pas trop au sérieux, vous êtes juste un singe avec un plan).
J’espère que ce cours vous a plu, si c’est le cas faites le mois savoir en répondant à ce mail ou en m’envoyant un message sur LinkedIn ou Instagram.
Ça me fait toujours plaisir et ça m’aide d’avoir vos feedbacks (puis j’aime bien discuter avec vous, tout simplement).
Sur ce je vous laisse,
Bon futur !